En achevant ses 12 études d'exécution transcendante op.11, Sergueï Liapunov ne se contente pas de compléter le célèbre cycle homonyme de Liszt en lui rendant hommage. Il prolonge et transpose ses fabuleuses découvertes dans son langage, celui qu'il a hérité de Balakirev et du Groupe des Cinq : un idiome typiquement russe, parfois caucasien. C'est lui qu'il invoque dans Lesghinka, cette danse endiablée basée sur des motifs des Kabardines, ou dans Térek, d'après un poème de Lermontov qui décrit cette tempétueuse rivière du Caucase. La virtuosité extrême que requiert l'ensemble du cahier est sans cesse au service d'une pensée profondément musicale, que ce soit pour évoquer les Harpes éoliennes, les Carillons, ou la magnifique Berceuse qui ouvre le cycle, à travers laquelle Liapunov prolonge le charme de celle de Chopin. à l'instar des Douze études d'exécution transcendante de Liszt que Liapunov vénérait, ces oeuvres visionnaires et colorées, empreintes par endroit du folklore russe, exigent de l'interprète autant de prouesses techniques que de sens poétique. Florian Noack offre de ces pages géniales et encore méconnues une lecture d'une grande clarté, imaginative et pleine de sève.

Diapason nº 705 p.86 du 05/11/2021, noté 6/5